Hercule, Hannibal et tous les autres...

Hercule est un Berger Allemand de 5 ans. Un chien qui n’a pas eu de chance parce qu’il n’était pas au bon endroit. Après avoir mordu, sauvagement diront certains, eh oui c’est un chien figurez vous qu’il a une mâchoire et que c’est même notamment pour cela que l ‘on sélectionne les Bergers Allemand depuis des décennies, comme les Malinois, donc il ne faut pas s’étonner, bref après avoir mordu donc, Hercule a eu droit aux 3 visites mordeurs obligatoires à une semaine d’intervalle histoire de voir si il est toujours en vie et qu’il n’a pas la rage. Hercule n’a pas la rage. Mais moi oui !
La petite madame de la SPA de Montpellier qui place depuis des années des chiens réactifs à des vigiles ou pour de la garde, une hérésie (voir plus bas), a eu l’idée lumineuse de proposer Hercule, 5 ans, à une de ses amies/relation, une dame de 80 ans, pour de la garde !??? On pourrait faire un raccourci en disant qu’elle a eu l’idée de lui mettre une bombe dans son jardin. Une bombe qui a explosé bien plus tôt que prévu, mais une explosion totalement prévisible pour quiconque avec un minimum de connaissances en comportement canin.
Pour faire des présentations avec son futur adoptant, Hercule a été mis dans un parc, au beau milieu du refuge, parmi les aboiements des autres chiens avec le stress que cela engendre…la dame de 80 ans est rentrée dans le parc et il est arrivé ce qui devait arriver : Hercule lui a sauté dessus! Ce qui était parfaitement prévisible : les chiens qui se comportent normalement dans des conditions de présentation pareilles, sont des chiens anormalement peu sensibles au stress et ils ne sont pas si fréquents que ça !
Il n’est pas nécessaire d’avoir BAC + 10 pour comprendre que ce parc est comme une arène, que les aboiements des autres chiens sont autant de cris d’encouragement, et que cette inconnue qui a pénétré dans cet espace a été une agression de plus pour Hercule. On aurait voulu pousser Hercule à mordre on ne s’y serait pas pris autrement.
Hercule a sauvé ( ?) sa peau : il est condamné à perpétuité.

Hannibal est un Rottweiler de 7 ans. Un chien qui n’a pas eu de chance parce qu’il n’était pas au bon endroit. Il est resté à la SPA plusieurs mois avant d’être adopté par une dame qui n’a jamais eu de chien. Son ex compagnon avait un Rottweiler. Très motivée, cette dame a passé son permis de détention pour adopter Hannibal. Elle vit en ville, dans un appartement de 26 m2, une grande pièce qui fait cuisine, salle à manger et chambre. Elle a ramené Hannibal au refuge au bout de 15 jours parce qu’il voulait agresser les passants dans la rue, ce qui était parfaitement prévisible. Avant de le ramener, de son propre chef, elle a fait appel à un professionnel du comportement qui lui a expliqué qu’Hannibal n’avait jamais rien vu. De retour à la SPA on lui a dit qu’en effet Hannibal avait toujours vécu dans un jardin dont il était rarement sorti. C’était quand même une drôle d’idée de placer Hannibal dans un environnement urbain, dans un petit appartement et avec une dame qui n’avait jamais eu de chien ! ll n’est pas nécessaire d’avoir BAC + 10 pour comprendre le manque de discernement d’une telle adoption. On aurait voulu pousser Hannibal à être dans l’agression, on ne s’y serait pas pris autrement.
Hannibal sera euthanasié Mardi. Pourtant il n’a pas changé, c’est le même chien qu’en Septembre 2018  à son arrivée : un chien réactif.

Les chiens que l’on trouve dans les refuges, comme dans toutes les associations, sont des chiens de la consommation. En effet, les chiens des refuges et des associations sont des chiens du divorce, du déménagement, du premier enfant, de la perte d’emploi, de la reprise d’emploi, du départ en maison de retraite, du départ à l’étranger, de l’hospitalisation etc…. Des chiens qui ont connu une vie de famille, la plupart d’entre eux sont des chiens équilibrés et sympas. Ce ne sont pas eux qui ont un problème mais plutôt leurs maîtres. Parce qu’ils sont irresponsables et inconséquents, ils abandonnent leur chien.

Il y a aussi les autres chiens. Ceux que l’on appelle les chiens réactifs. Parmi eux, il y a ceux qui le sont déjà et ceux qui le deviennent.

Réactif, qu’est ce que ça veut dire?[

Est qualifié de réactif n'importe quel chien qui va aboyer sur quelque chose, japper, grogner, vocaliser, se précipiter dessus... La réactivité voulant simplement dire que le chien réagit face à un stimulus déclencheur avec un comportement inadapté - ce qui peut tout aussi bien concerner un chien trop enjoué qui aboie sur les autres d'excitation tout en étant amical, qu'un chien de troupeau qui aboie sur les enfants qui s'agitent... comme un chien qui rugit sur un autre chien avant de se jeter dessus pour le bouffer.
La réactivité est une simple description de ce qu'on constate, elle ne peut pas prédire quoi que ce soit, elle est contextuelle, d'où l'aberration absolue des tests de comportement actuels en évaluation comportementale. La réactivité est toujours potentielle et contextuelle, ainsi dans la plupart des cas, avec une bonne gestion de l'environnement, des besoins comblés et des humains aux comportements adaptés, la réactivité disparaît ou s'atténue grandement.

On sait que si certains chiens en refuge sont complètement toqués, c'est parce que la captivité les rend barges, en effet leur sensibilité ne leur permet pas d'encaisser un passage dans un lieu aussi opposé à leurs besoins. Un lieu incompatible avec le bien-être pour avoir un cerveau réceptif et en bon état de marche.
Savez-vous que dans un refuge aux conditions de vie carcérales, au lieu de dormir 12 à 15 heures par jour, les chiens ne dorment réellement qu'environ 45 minutes ? Dans quel état serions-nous à leur place ? Aurions-nous la possibilité d'être réceptifs lors d'une rencontre avec quelqu'un que nous ne connaissons pas et qui s'intéresse subitement à nous sans précautions adaptées ? Comment nous sentirions nous sur la table en métal d’un cabinet vétérinaire avec un otoscope dans une oreille douloureuse?

Dans un refuge il n'est pas simple de différencier le chien qui réagit avec pour seule cause un environnement inadapté (et qui va bien dès que l'environnement est adapté, mais qui a souvent besoin de plusieurs semaines pour se remettre d'un passage dans un environnement inadapté), du chien qui réagit parce que son environnement intérieur est détraqué (problème de santé) et qui du coup ira bien quand le problème sera traité, mais aussi du chien qui a vécu des traumatismes et / ou qui n'a pas été correctement outillé à la naissance par des parents instables, un cadre de vie pauvre ou stressant, un naisseur et / ou une famille qui ne fait pas bien son travail des trois premiers mois...
Parfois plusieurs de ces éléments peuvent être combinés. En conséquence, ils ne sont pas facilement identifiables. Mais quoiqu'il arrive, là où l’analyse est facile, c'est sur les comportements déjà observés : il n'y a pas meilleure prédiction pour un comportement futur qu'un comportement passé. Tout chien poussé à réagir même si c'est 100% la faute de l'humain, peut être amené à réagir de nouveau, donc ces chiens imposent nécessairement un travail de gestion de l'environnement.
Certains chiens, parce que la vie les a trop abîmés, sont dangereux, même pour une famille bienveillante : certaines blessures nécessitent une énorme gestion à vie et un travail colossal pour que le chien représente le moins de danger possible pour l'entourage et ce, même en étant pris en charge par un professionnel éthique et bienveillant 24h/24. Ce qui n'est donc pas accessible à l'adoptant lambda. Ces chiens là nécessitent une supervision professionnelle permanente.

Lorsqu’une association prend en charge un « chien réactif »  il n’y a que 2 possibilités. Soit elle décide de l’euthanasier parce qu’elle n’a pas la capacité de le prendre en charge correctement, et la plupart des associations sont lucides sur le sujet. Soit elle décide de le garder, dans ce cas afin de lui venir en aide et de pouvoir le proposer un jour à l’adoption il est indispensable de l’installer dans un milieu de vie adapté, générant le moins possible de stress. Dans une famille d’accueil qui va s’investir à 100%, accompagnée par un vétérinaire comportementaliste et un coach canin. Le laisser en cage n’a aucun sens.

Avec un chien réactif les méthodes violentes sont à bannir. Pourquoi ? Tout simplement parce que la réactivité est étroitement liée aux émotions (c'est précisément un surplus ingérable d'émotion qui déclenche le comportement), et que, si les méthodes basées sur l'intimidation, l'immersion, la force, la contrainte et la résignation sont efficaces sur le moment pour stopper le comportement gênant ou dangereux, elles fabriquent de véritables bombes à retardement en empêchant le chien d'exprimer une émotion qui prendra de l'ampleur à chaque fois qu'elle sera contenue de force.
Utiliser la force, l'immersion et l'intimidation sur un chien réactif donne l'illusion que le problème est réglé. Mais en réalité il n'en est rien : le chien est juste « empêché » d'exprimer l'émotion qui le pousse à réagir, parce qu'on lui inflige quelque chose qu'il déteste, quelque chose qui lui fait suffisamment peur ou mal, quelque chose qui génère suffisamment d'inconfort, pour qu'il ravale une émotion qui reste bien présente en lui.
Priver un individu de la possibilité d'exprimer une émotion n'a jamais procuré d’apaisement ni du bien-être. Contraindre à prendre sur soi quand une situation n'est pas supportable n'a jamais rendu qui que ce soit bien dans sa tête et stable au niveau émotionnel. Cet individu va exploser à un moment ou à un autre.  Cette approche inadaptée de la réactivité crée des explosions avec des agressions brutales. Ces méthodes inadaptées rendent tout à fait prévisibles les explosions qui en découlent.
Elles sont malheureusement encore préconisées et utilisées par certains professionnels.

Le comportement est un vrai métier et une spécialité. Un vétérinaire n’est pas forcément vétérinaire comportementaliste, tout comme un médecin généraliste n’est pas forcément médecin psychiatre. Une ASV encore moins, fut-elle mandatée par son patron.
En ce qui concerne le coach canin, la profession n’étant pas réglementée et les formations très nombreuses, pour ne pas dire que beaucoup sont obsolètes,  il convient de vérifier quel(s) type(s) de formation(s), et quelle expérience a le professionnel avec lequel on travaille : tout recours à la force physique ou à l'intimidation, doit immédiatement alerter et pousser à aller chercher ailleurs ; cela fait plusieurs années que les professionnels peuvent accéder à des formations leur apprenant à faire autrement, quel que soit le problème rencontré.

Dans un refuge, l’enfermement, le stress, la promiscuité, le manque de prise en charge personnalisée, tout cela entretient le mal être d’un chien réactif et un rien peut le faire « flamber ». Pire : cela peut créer de la réactivité chez un chien qui serait tout à fait normal et agréable à vivre dans un autre contexte, alors pour un chien sensible, c'est juste une catastrophe. Pour progresser, un chien réactif doit être placé dans une structure adaptée avec du personnel formé ou en famille d’accueil, et dans tous les cas avec un suivi personnalisé.
Ensuite la famille qui adoptera un tel chien devra continuer le travail commencé avec un professionnel : en effet, un chien n'est pas comme une voiture qu'on laisse chez le garagiste et qu'on récupère réparée ! Si le professionnel peut enseigner de nouveaux comportements au chien et aider à modifier des comportements déjà existants, c'est essentiellement sur le travail réalisé par la famille chaque jour, toute la vie du chien, que vont se jouer les résultats. Adopter un chien réactif est un engagement, un vrai sauvetage et cela représente énormément de travail.  

Placer un chien réactif à un vigile ou pour de la garde est une aberration parce que c’est entretenir le problème, voire la meilleure façon d’aggraver certains comportements. C’est comme tenir une grenade dégoupillée qui va exploser tôt ou tard. Alors c’est sûr qu’un chien réactif muselé, avec un collier étrangleur quand ce n’est pas un collier électrique, qui vit enfermé dans un Vari Kennel (caisse de transport) ne risque pas de blesser qui que ce soit…. Tant qu’il est maintenu sous pression! Mais placer un chien dans de telles conditions n’est ce pas un prétexte pour se donner bonne conscience ? Laisser entendre qu’on lui a sauvé la vie….mais pour quelle vie ? Où commence la maltraitance ?

L’histoire se répète depuis 20 ans. Tant que la prise en charge des chiens ne sera pas personnalisée avec un protocole adapté, rien ne changera. Hercule et Hannibal ne sont malheureusement pas les premiers ni les derniers chiens en souffrance à être condamnés pour toutes les raisons exposées plus haut. Alors à bien y regarder, ce ne sont peut-être pas les chiens qui sont les plus dangereux à la SPA de Montpellier ?